La respiration
Texte de martine Migaud
La respiration est à la fois le principal moteur du Qi, et son principal obstacle lorsqu’elle n’est pas libre.
Un texte de Zhang San Feng, taoïste vivant aux alentours de 500 après Jésus-Christ nous en donne une image saisissante :
« Hélas, la vie des hommes est comme un arbre dépourvu de racines. Qu’une seule respiration ne parvienne plus dans le Dan Tian, et c’est mon destin qui ne m’appartient plus.
Lorsque l’énergie subtile du Ciel et de la Terre suit l’inspiration par le nez pour pénétrer dans mon corps, et qu’à l’expiration, elle se noue finement dans le Dan Tian, cela m’apporte un surplus de vitalité car l’énergie sans limites du Ciel et de la Terre se relie alors à l’organisation de mon corps qui, elle, a des limites »
Installer une respiration naturelle et vivifiante pour l’organisme demande une pratique régulière qui va graduellement permettre à la respiration de s’enraciner plus fermement dans le bassin, au mental de se calmer, à l’écoute et à la présence de s’installer, chacun de ces aspects réagissant et potentialisant les autres aspects jusqu’à développer une conscience vivante du Dan Tian et du périnée qui le soutient.( Le périnée représente l’ensemble des muscles qui entourent les orifices inférieurs).
Car il existe un lien direct entre pensée et respiration :
La respiration authentique calme l’agitation du mental, et le vide de pensée laisse le champ libre à la respiration authentique.
Pour arriver à cette conscience vivante de la base, il y a plusieurs étapes que l’on doit installer l’une après l’autre :
1- Première étape :
Installer une respiration abdominale sans s’occuper dans un premier temps du périnée, parce que, pour la majorité des gens, rassembler le périnée bloque la respiration, et l’énergie ne descend plus dans le bassin à l’inspiration.
Avoir une respiration abdominale ne signifie pas gonfler le ventre, ni forcer la respiration à descendre. Cela signifie être assez détendu pour ne pas empêcher la respiration de s’installer d’elle-même dans le ventre, car c’est son mouvement naturel. On ne peut donc pas développer cette respiration de façon volontaire, mais se mettre à l’écoute de la sensation du bassin, l’accueillir, et observer ce qui se passe, sans impatience. Il y a toujours une petite partie du Qi qui descend dans le bassin, sinon nous serions mort, mais par la détente, l’écoute et la pratique, la quantité et la qualité du Qi qui descend dans le bassin augmentent, et les sensations deviennent plus présentes, plus vibrantes.
2- Deuxième étape :
Lorsque la respiration est naturellement installée dans le bassin, et qu’elle l’emplit à l’inspiration, on demande de diriger le souffle à l’expiration vers le Dan Tian, dans un tout petit espace au centre du bassin. L’énergie subtile du Ciel/Terre rentre avec l’inspiration. Elle emplit le bassin, et, à l’expiration, pendant que l’air sort par les narines, on condense l’énergie subtile qui a accompagné l’inspiration vers le Dan Tian.
Là encore, nos seuls outils sont l’écoute attentive et détendue de la région du bassin, et des sensations éveillées par le souffle. L’expiration va s’allonger, et devenir de plus en plus fine au fur et à mesure que le corps se détend et que l’on lâche prise, tout en gardant une conscience très éveillée. C’est comme de s’enfoncer dans une détente de plus en plus profonde.
L’inspiration, c’est la rencontre avec le monde.
L’expiration, c’est la capacité de lâcher prise. La vie commence par une inspiration, et se termine par une expiration. Tout au long de notre vie, si notre respiration est naturelle, nous touchons/lâchons le monde. Ce qui nous empêche le plus souvent de laisser l’expiration guider le souffle vers le Dan Tian, c’est notre attachement trop fixé à nos préoccupations quotidiennes, et à ceux qui nous entourent : nous ne lâchons plus le monde, et l’énergie subtile du Ciel/Terre sort avec l’expiration.
Laisser l’expiration s’allonger et mourir jusqu’à ce qu’une pause s’installe avant que l’inspiration ne se manifeste d’elle-même, est une entreprise qui nous demande d’apprendre graduellement à « ne pas faire ».
3- Troisième étape :
On rassemble le périnée et la sangle abdominale basse en fin d’expiration. C’est comme si le Dan Tian se creusait et attirait les muscles du périnée vers lui. Il est bien important de laisser s’effectuer ce rassemblement de façon très graduelle et douce de façon à n’entraîner aucune réactivité dans le corps : vérifier que la nuque ou les épaules ne se contractent pas.
La sensation finit par devenir comme une pierre chaude, vivante, qui emplit le fond du bassin pendant que le reste du corps est totalement détendu.
L’expiration se prolonge d’elle-même sans action volontaire dessus. Elle s’éteint, et il se produit une pause avant le début de l’inspiration suivante. Là encore, ce n’est pas quelque chose que l’on peut forcer. C’est quelque chose qui s’installe progressivement et naturellement à force de pratique et d’écoute des sensations.
On garde le rassemblement pendant cette pause, et l’on relâche à l’inspiration. Un grand afflux de Qi vient remplir le bas-ventre au début de l’inspiration. Cet afflux vivifie petit à petit cette région.
4- Quatrième étape :
Lorsque ceci est bien installé, on garde un léger rassemblement du périnée même à l’inspiration, ce qui protège la région lombaire, nous évitant ainsi bien des ennuis !
Mais cela permet aussi au Qi de remplir le bassin, puis de remonter par débordement le long de la colonne vertébrale jusqu’à sentir une expansion du crâne, pendant que le rassemblement du périnée garde l’enracinement.
À l’expiration, il y a toujours le rassemblement du Qi dans le Dan Tian, avec un rassemblement un peu plus marqué du périnée.
Conclusion :
Il est important de ne pas vouloir brûler les étapes, et de laisser ces mouvements naturels du Qi s’installer d’eux-mêmes.
Dans le même ordre d’idée, le rassemblement du périnée ne doit pas être trop fort. Il ne doit jamais empêcher le Qi de s’installer dans le bassin, et il ne doit pas non plus entraîner de réactivité dans le corps : contraction des abdominaux, de l’aine, des cuisses, des épaules, de la nuque, ou de n’importe quelle partie du corps. Il est important d’être à l’écoute de cela, car il est rare que l’on puisse d’emblée rassembler le périnée sans que d’autres parties du corps réagissent. La vitalité et la tonicité du périnée vont augmenter avec la pratique.
C’est pourquoi ça aide beaucoup de pratiquer toutes ces étapes en position allongée, pour supprimer les tensions de la posture, et pouvoir être beaucoup plus présent à ses sensations, avant d’être capable de la pratiquer assis, puis debout.
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