L’automne, le Poumon et le Gros Intestin

L’automne, le Poumon et le Gros Intestin

Le mouvement du métal dans la nature

Le Ciel s’écoule vers la Terre,

L’été plonge vers l’hiver dans un flamboiement de couleurs,

Précision des contours,

La lumière se dépose,

Chaque forme de vie apparaît,

Parée du royal manteau de sa différence

À l’automne, le Ciel se retire, car sa puissance diminue. L’énergie revient vers la Terre pour permettre la maturation des fruits de leurs amours. En arrivant vers les contours de chaque forme de vie, elle parachève son identité en lui donnant toute sa plénitude. Et elle la pare de la vibration lumineuse qui reflète son essence profonde.

Le mouvement du Métal est lent ; il porte à la contemplation, à la distance et au recul que donne le temps. À l’image du métal qui se forme tranquillement au cours des siècles, par condensation dans la terre, le résultat de cette lente maturation donne des contours précis et tranchants.

Comme la lumière de l’automne, sa force de cristalisation donne une image nette de soi et de l’autre. Il induit le discernement qui permet à la fébrilité émotive de relâcher son emprise. Il offre à chaque forme de vie l’opportunité de rayonner dans son identité particulière.

Le mouvement du métal chez l’homme

Le mouvement du métal amène tranquillement, paisiblement, un décollement, de la distance, de l’esprit, ou du souffle entre le passé et le présent, entre le présent et le futur, entre soi et l’autre, et entre soi et ses ancêtres en soi. Ce mouvement nécessite du calme, du temps, de l’écoute et de la rigueur.

Ce mouvement de la vie n’est pas puissant : il décroît. La vie se retire, n’offre plus son appui.

Les idéogrammes du Métal

A. L’automne


Qiu L’étymologie montre un épi dont la tête lourde s’incline. La phonétique montre le Feu, couleur des feuilles à l’automne.

Le Su Wen ch.2 parle de l’automne :
« Les trois mois de l’automne sont appelés : contenir et équilibrer »

Rong contenir, tolérance

L’étymologie montre un ravin. Sur les crêtes des montagnes, il y a l’écoulement, la séparation des eaux

Cette séparation et cet écoulement creusent les ravins.

Avec les deux traits en plus, c’est un ravin plus profond.

Et avec le toit, c’est couvrir un récipient

Il y a donc l’idée de contenant qui accueille les eaux du ciel, issues de leur séparation de part et d’autre de la crête d’une montagne.

Les différents sens sont :

  • Contenir, comprendre
  • Recevoir
  • Permettre, tolérer
  • Attendre
  • Physionomie, apparence.

Ping équilibrer

L’étymologie montre un souffle qui, ayant vaincu un obstacle s’étend en toute liberté.

Ici on rajoute entre les deux traits verticaux la primitive qui signifie : diviser, partager, comme dans l’idéogramme Rong.

Cette primitive renforce l’idée de l’expansion libre du souffle dans les deux sens, dans toutes les directions. Le sens moderne : plan, uni, dérive de cette dernière idée. Il n’y a plus d’obstacles.

Les différents sens :

  • Pat, uni, horizontal
  • Égal, uniforme, équilibrer
  • Peser
  • Apaisé, paisible
  • Vivre en paix
  • Régler, arranger

Il y a donc une idée de creux qui attire le souffle, qui permet de le contenir. Le souffle vient alors remplir la forme, dessinant ses contours. Il s’étale dans toutes les directions, occupe tout l’espace qui lui est proposé.

Il y a aussi l’idée de séparation. C’est cette séparation, cette délimitation de l’espace qui donne un contenant au souffle, lui permettant ainsi sa surabondance, sa plénitude.

Et cette plénitude de l’espace personnel nous donne la vertu de tolérance, envers les autres et envers nous-mêmes.

Il y a aussi la notion du temps que cela prend : cet étalement du temps qui permet la sérénité (vivre en paix).

« Les souffles du Ciel se font pressants, les souffles de la Terre sont resplendissants»

Il y a une subtile dysharmonie dans l’automne. La Terre s’attarde dans ses productions, tandis que le ciel montre une hâte à se retirer. Du point de vue de la Terre, c’est un été qui s’éternise. Mais, surtout le soir, à la fraîche, il y a fuite, dérobade, retrait accéléré des souffles du Ciel.

C’est le déclin des amours du Ciel et de la Terre.

Il y a un deuil à faire, celui de cette fusion harmonieuse entre la Terre et le Ciel d’où est issue toute la généreuse production de la Terre.

« On se couche tôt ; on se lève tôt.
On fait la poule, exerçant le vouloir-vivre paisiblement et tranquillement,
Pour adoucir l’effet répressif de l’automne »

On se couche tôt, car la vie n’est plus soutenue par un Yang jaillissant. Mais on peut se lever tôt, car le Yang a encore de la force, à l’aube. L’énergie va décroître dans la journée.

Il va falloir imiter l’aspect Yin de la vie. Il ne s’agit plus d’arpenter la cour à grands pas, mais d’avoir l’immobilité parfaite de la poule qui couve.

Grâce à cette attitude vigilante, la paix et la tranquillité vont rayonner. Il s’agit de se prémunir contre le tranchant, la sévérité des souffles de cette saison.

« Récoltant les Esprits et amassant les souffles,
Pacifiant les souffles de l’automne, sans laisser la vitalité se répandre au-dehors,
Rendant clairs et frais les souffles du Poumon,
Ceci est la voie propre aux souffles de l’automne,
Qui répondent ainsi à l’entretien de la récolte de la vie. Aller à l’encontre porterait atteinte au poumon »

Tout a été produit, il faut récolter. On y parviendra si on ramène l’attention vers soi, empêchant ainsi les souffles de gagner l’extérieur, car l’été est passé. L’inversion de la vie, avec recul du Yang et avancée du Yin est amorcée. Il faut ramener les souffles vers l’interne, les rendre clairs et frais.

B. Bei, la tristesse et You, le resserrement, vouloir-vivre du Métal


Bei la tristesse, c’est le dos-à-dos de la personne à elle-même.

Signifie la négation, avec le radical du cœur. Le deuxième sens de Bei est la compassion

You l’accablement, l’oppression. C’est traîner partout un cœur et une tête en proie aux soucis.

Le vouloir-vivre du métal, c’est cette distance entre soi et soi, entre soi et ses ancêtres, entre soi et l’autre. Cette distance et ce temps qu’on se donne pour ne pas être le nez collé, écrasé sur les difficultés et les souffrances. Une membrane, un contour qui permet de voir sans être envahi, d’avoir de la compassion. Les souffles peuvent alors circuler et trouver leur juste place. C’est une distance par rapport à l’impétuosité du Bois, à son urgence à vivre, à cette rage qui habite le corps.

C’est aussi ce qui resserre, ramène vers soi, accepte de tourner le dos à notre désir de projeter nos insatisfactions et nos manques sur les autres, avec cette exigence d’être enfin comblé, exigence de réparation des torts qui nous ont été causés.

La perversion de ce mouvement, c’est la tristesse qui s’incruste et qui est un refus de vivre, un dos-à-dos de négation, une cuirasse qui protège au lieu d’être la distance nécessaire pour rester en ouverture. Cela devient le refus, le jugement de soi, de l’autre. Au lieu d’être un contenant qui accueille et permet la libre diffusion des souffles, c’est un mur qui nie et repousse.

C’est aussi un resserrement trop intense qui accable, oppresse les souffles, empêche la vie.

C. Le Poumon


L’organe relié au Métal est le Poumon, son entraille est le Gros Intestin et la partie du corps est la peau.

Fei le poumon, c’est le radical de la chair qui indique que c’est une partie du corps, et la phonétique représente des plantes rameuses qui ne se dressent pas verticalement, mais qui rampent en divisant leurs rameaux, à l’image des bronches et des alvéoles pulmonaires.

Le poumon, c’est comme un arbre inversé. C’est la capacité de déployer le Ciel à l’intérieur de soi.

Su Wen ch. 8 :

« Le poumon a la charge de ministre et de chancelier. La régulation des relais d’animation en procède »

Le poumon a une charge majeure. C’est le seul des 5 organes à être situé au-dessus du diaphragme, proche du cœur, de l’empereur. On dit de lui que c’est le toit des 5 viscères. C’est donc le premier ministre qui assiste et conseille l’empereur.

Le couple cœur-poumon est comme le couple sang/souffles : le cœur propulse le sang qui nourrit chaque cellule et le poumon est le maître des souffles qui animent chaque partie du corps.

Par le rythme respiratoire, le poumon veille à ce qu’un même souffle anime tout l’empire. Le poumon assure la rythmique de l’être.

C’est donc lui qui fait circuler le Qi dans tous les méridiens. Cette circulation est permanente, et l’on dit que le Qi met 20mn à faire le tour de tous les méridiens. Mais il existe aussi une circulation qui amène une surabondance d’énergie dans chacun des méridiens et de leur organe correspondant durant deux heures. Cette circulation, appelée circadienne commence le matin, à l’aube, par les poumons. On dit qu’il reçoit en audience matinale les Cent Mai (trajets des souffles). Il refait le bon équilibre de l’être et propulse le Qi.

Il s’occupe donc de l’entretien normal de la vie, par opposition au Foie qui s’occupe des situations extraordinaires.

Il permet le déploiement, le rythme et la libre circulation des souffles à l’intérieur du corps.

On peut interroger les troubles du poumon comme un problème lié au territoire, à l’abandon, à la difficulté d’avoir des relations saines, sans dépendance affective.

Le conflit peut se jouer au niveau du poumon, avec de l’asthme, en alternance avec des problèmes de peau, puisqu’elle délimite notre forme corporelle.

D. Le Gros Intestin


Da Chang Le radical de la chair, partie du corps. Et Le soleil au-dessus de l’horizon, dardant ses rayons. C’est la même phonétique que dans l’idéogramme Yang.

Su Wen ch 8 : « Le gros intestin a la charge du transit. Changements et transformations en procèdent. »

Le gros intestin achève donc de transformer, après l’intervention du foyer moyen, puis de l’intestin grêle. C’est la fin des transformations. Il en résulte des fèces, dont on va se détacher.

La bonne fonction du Gros Intestin, entraille reliée au Poumon et à l’aspect métal de la vie, demande une attention et une vigilance envers la fin des processus. Discernement entre ce qu’on garde ou qu’on rejette, et surtout, discernement qui donne une forme définitive, un contour, une limite, de façon à entrer en relation de manière détendue et ouverte.

Les ballonnements, douleurs, crampes viennent souvent d’un non-respect de nos besoins, de nos limites.

Constipation, diarrhées, colon irritable, colites ulcéreuses, etc…. sont des maladies qui peuvent être interrogées avec un regard Métal.

Les chinois considèrent que la digestion concerne aussi bien les aliments que les émotions, situations et sensations qui nous sont proposées. Et le Gros Intestins en constitue l’étape finale : ce qui était soi n’est plus soi et offre un contour précis qui se donne à voir.

Martine Migaud