SHEN

SHEN

1. Introduction :

SHEN fait partie des idéogrammes intraduisibles, parce qu’ils n’ont aucun équivalents dans la langue française. Au fur et à mesure de notre rencontre avec la pensée chinoise, nous nous en sommes fait une représentation.

Mais il est important de ne pas nous fixer sur cette représentation, et de continuer à nous laisser déranger par cet idéogramme. Car l’existence des grands idéogrammes chinois nous permet d’interroger notre réalité vécue avec d’autres outils qui peuvent en rendre compte de manière plus fine.

Ils donnent du sens au vécu en le nommant.

L’intention animant chacun des grands idéogrammes chinois ne fait que pointer vers une direction, la plus proche possible de l’expérience vécue. On ne peut saisir ces images/fonctions/symboles : ils nous échappent de toute part, et pourtant, nous sentons bien la résonnance qu’ils éveillent en nous.

2. SHEN, la conscience pure, l’éveil :

a. L’idéogramme :

SHEN
Le radical représente dans sa forme ancienne  : SHI les influences lumineuses représentées par les trois luminaires (soleil, lune, étoiles), qui viennent de ce qui est « au-dessus du Ciel ». Et la phonétique, dans sa forme ancienne, nous montre un homme, en position de méditation debout, qui reçoit ces influences et les dirige avec ses mains vers le DAN TIAN.

Il se dégage de l’étymologie une sensation de verticalité dynamique, qui organise les souffles qui habitent le vivant.

Parmi les différents sens donnés à l’idéogramme SHEN dans le Ricci, nous retiendrons :

  • L’Esprit.
  • Esprit animateur de la forme corporelle.
  • Esprit divin, esprit du Ciel.
  • Divinités, animation céleste contrôlant les divers phénomènes de l’être humain (les parties de son corps, les viscères) : par excellence, elles emplissent le cœur, elles sont alors présence du ciel en l’homme et lui procurent la lumière, l’éveil MÍNG.
  • L’intelligence.

SHEN représente donc la conscience sous toutes ses formes : consciente, inconsciente, supra consciente, etc.

C’est l’Esprit qui anime l’univers, le Grand Esprit des amérindiens.

Cet esprit habite toute la création, des pierres aux humains.

C’est l’émergence de la conscience dans l’histoire de l’univers.

Nous passons la majeure partie de notre vie dans l’état de conscience ordinaire : celui de notre vie quotidienne. À tel point que nous finissons par oublier qu’il existe d’autres états de conscience. La conscience n’est pas nécessairement conscience de quelque chose. Elle peut venir d’un plan antérieur à tout ce qui existe : c’est alors un état intensément conscient, mais sans aucun objet de conscience. C’est ce que toutes les traditions spirituelles appellent l’éveil.

b. Texte Taoïste anonyme : tiré d’un ouvrage de DAO YIN, branche du QI GONG.

心定 神 寧,神定心安。
XIN DING SHEN NING, SHEN DING XIN AN.
Quand le cœur/conscience se tranquillise, alors SHEN se dépose ; lorsque SHEN se tranquillise, alors le cœur/conscience est en paix.

心安清靜。清 靜無物。
XIN AN QING JING. QING JING WU WU.
Quand le cœur est paisible, il y a clarté et tranquillité. Quand il y a clarté et tranquillité, il y a absence d’objets de conscience.

無物氣行。氣行 絕 象。
WU WU QI XING. QI XING JUE XIANG.
En l’absence d’objets de conscience, le souffle circule. Lorsque le souffle circule, c’est l’extinction des représentations (images).

絕象 則覺明.覺明乃神氣相動。
JUE XIANG ZE JUE MING.JUE MING NAI SHEN QI XIAN DONG
L’extinction des représentations, c’est l’éveil. S’il y a éveil, alors SHEN et QI communiquent.

萬 象 歸根合成一氣。
WAN XIANG GUI GEN HE CHENG YI QI.
Les 10 000 représentations retournent à leur racine et s’unissent pour former un seul souffle.

L’éveil n’est pas forcément un but à atteindre, mais une pratique d’écoute qui permet de déconstruire un peu la fixité de nos structures mentales.

3. Ciel Antérieur/Ciel Postérieur :

a. Deux niveaux de conscience :

Il y a donc deux niveaux de conscience :

  • La connaissance et le savoir habituel, courant, perçu dans l’état de conscience ordinaire du Ciel Postérieur.
  • Et l’état de conscience du Ciel Antérieur qui nous offre une connaissance issue de l’écoute, prenant racine au-delà du mental : dans ce qui est antérieur à la création du Ciel, antérieur au Big Bang, et donc présent ici et maintenant, puisque non assujetti à l’espace/temps.

Dans le Ciel Antérieur, tous les possibles sont là, en devenir.

Là réside l’essence même de la vie, avant le YIN/YANG et toutes ses oppositions/complémentarités : intérieur/extérieur, haut/bas, lumière/ombre…

Dans l’écoute, en fermant nos orifices, nous pouvons avoir l’intuition de ce qui est antérieur au Ciel.

En ouvrant nos orifices, et en nous plongeant dans le monde, nous sommes immergés dans la conscience ordinaire de ce qui est postérieur à la naissance du Ciel/Terre. Le Ciel Postérieur représente en effet toute la réalité construite et appréhendée par nos 5 sens.

b. LAO ZI chapitre 52 :

天 下有始,以為天下母. TIAN XIA YOU SHI, YI WEI TIAN XIA MU
L’univers a une origine dans l’invisible, on l’appelle la mère de l’univers.

旣 得 其 母, 以 知 其 子;
JIDEQIMU, YIZHIQIZI
Ayant trouvé la mère totalement, alors on connaît ses enfants ;

旣 知其子,復守其母,
JI ZHI QI ZI, FU SHOU QI MU.
Connaître la totalité de ses enfants, tout en faisant retour pour garder la mère,

沒 身 不 殆。
MO SHEN BU DAI
Alors on ne craint pas la disparition du corps.

塞其 兌,閉 其 門, 終 身 不 勤。
SE QI DUI, BI QI MEN, ZHONG SHEN BU QIN.
Boucher les orifices, fermer les portes, et jusqu’à la fin, le corps ne se dépense pas.

開其兌,濟其事,終身 不救。
KAI QI DUI, JI QI SHI, ZHONG SHEN BU JIU.
Ouvrir les orifices, multiplier les affaires, et on ne pourra pas protéger le corps jusqu’à la fin.

見 小 曰明,守柔曰強。
JIAN XIAO YUE MING, SHOU ROU YUE QIANG.
Voir le petit, s’appelle être éveillé ; garder sa vulnérabilité, c’est ce qu’on appelle la force.

用 其光,復歸其明,無遺身殃;
YONG QI GUANG, FU GUI QI MING, WU YI SHEN YANG ;
Si on utilise cette lumière, si on fait retour à cette clarté, on n’abandonne pas le corps à la souffrance,

是 為 襲 常。
SHI WEI XI CHANG.
C’est cela qui redouble la constance.

4. XIN et SHEN :

Ces deux niveaux de conscience réfèrent à deux états bien différenciés :

a. La conscience ordinaire : XIN

Le niveau de conscience ordinaire est dirigé par XIN, le coeur/conscience. C’est l’état de conscience des 5 sens et des 12 méridiens principaux.

b. La conscience « extraordinaire » : SHEN

Et un autre niveau de conscience, capable de puiser à la racine de tout ce qui existe, dirigé par SHEN . C’est l’état de conscience des Méridiens Curieux, sous-jacent à l’état de conscience ordinaire.

c. Lien entre Xin et SHEN : SU WEN chapitre 8

Mais le Coeur doit tenir sa place d’Empereur pour que Shen puisse rayonner :

心 者 君 主 之 官 也。
XIN ZHE JUN ZHU ZHI GUAN YE
« Le cœur a la charge d’exercer l’autorité d’empereur.

神 明 出 焉。
SHEN MING CHU YAN.
La clarté de Shen en sort. » SW ch8.

L’empereur est celui qui est totalement présent et à l’écoute de tout l’environnement, le coeur ouvert et aimant : il n’agit pas, ne prend pas parti, ne préfère rien ni personne et ne rejette rien ni personne. Toute autre attitude ne pourrait aboutir qu’à une agravation de la situation.

Les pratiques spirituelles comme le QI GONG ou la méditation nous aident à passer d’un état de conscience à l’autre, à assouplir l’articulation entre ces deux états, jusqu’à pouvoir les vivre simultanément.

c. L’empereur : LAO ZI Chapitre 17

太 上, 下 知 有 之 ;
TAI SHANG, XIA ZHI YOU ZHI
Les grands souverains de la haute antiquité, les hommes connaissaient seulement leur existence

其 次, 親 而 譽 之;
QI CI , QIN ER YU ZHI
Ceux de moins haute lignée, le peuple les louait

其 次, 畏 之; 其 次, 侮 之。
QICI , WEIZHI; QICI , WUZHI
Encore moindre, il les craignait ; encore moindre, il les insultait.

信 不 足 焉, 有 不 信 焉。
XIN BU ZU YAN, YOU BU XIN YAN.
Lorsque la confiance n’est pas suffisante, cela génère la méfiance.

悠 兮 其 貴 言。
YOU XI QI GUI YAN
Se retenir d’agir, ah ! Ceci est une parole précieuse !

功 成,事 遂, 百 姓 皆 謂 : 我子然 。
GONG CHENG SHI SUI, BAI XING JIE WEI : WO ZI RAN.
Le travail s’accomplissait, les affaires suivaient leur cours, et les cent familles disaient : je ne fais que suivre ma nature.

5- SHEN est l’un des trois trésors :

Avant de nous lancer dans l’étude de SHEN, et de ses différents aspects reliés à chacun des organes, il nous faut replacer SHEN dans le contexte des trois trésors, qui se situent tous les trois à l’articulation Ciel Antérieur/Ciel Postérieur.

Les chinois ont différencié Trois Trésors pour faire référence aux trois niveaux de l’être (Ciel/Terre/Homme), aux Trois Foyers, aux trois champs de cinabre ?

a. JING se réfère au corps, au DAN TIAN Inférieur, au Foyer Inférieur, à la vitalité de la matière :

Le JING du Ciel Antérieur est la matière première de la vie à l’origine du corps. Sans JING, pas de corps.

Le JING du Ciel Postérieur, c’est :

  • Une quantité de JING inné, donné comme réserve de vie à la naissance, quantité qui ne peut être augmentée, mais qui peut considérablement être diminuée en quantité et surtout en qualité sans apport régulier de JING acquis de bonne qualité.
  • Le JING acquis par l’alimentation, la respiration, et en général tout ce dont nous nourrissons nos 5 sens.

Nous allons voir dans le chapitre 8 du LING SHU, l’importance pour la santé de ce qui est gardé par les organes : sans JING, les organes n’ont plus aucun pouvoir de thésaurisation.

b. QI se réfère aux 5 mouvements, au Foyer Moyen, au DAN TIAN moyen, à l’impulsion à l’origine de tout mouvement, émotion ou action :

Le QI met en mouvement JING qui exprime alors les caractéristiques génétiques de l’espèce et de l’individu, et les mouvements des 5 organes.

Le QI du Ciel Antérieur est pur dynamisme, non orienté vers un but. C’est un état tout désirant sans désir particulier, ce sentiment que la sensation merveilleuse d’être vivant ne dépend pas des circonstances de la vie, car toutes permettent d’explorer le sentiment de vivre.

Le QI du Ciel Postérieur, ce sont toutes les trajectoires, tous les dynamismes, tous les rythmes qui animent le corps, dont celui de la respiration, du cœur et des 5 mouvements.

Le QI est impersonnel : c’est le même QI qui anime mon corps et l’univers.

c. SHEN se réfère à l’Esprit, au Foyer Supérieur, au DAN TIAN supérieur, à tous les différents niveaux de conscience :

SHEN du Ciel Antérieur, c’est ce qui est antérieur et au-delà de la conscience individuelle.

SHEN du Ciel Postérieur, c’est une parcelle de YUAN SHEN, l’Esprit Originel, qui s’incarne en partie dans un corps.

Une partie du SHEN du Ciel Postérieur reste donc non incarnée, reliée directement à YUAN SHEN, proche du Cœur/conscience lorsqu’il est paisible, et les autres parties du SHEN du Ciel Postérieur sont le YI, le ZHI, le PO et le HUN.

Le « SHEN » individuel, c’est lorsque le YI, le ZHI, les PO et les HUN collaborent ensemble au mandat délivré par YUAN SHEN.

Mais il est important de ne pas oublier qu’il n’y a pas de SHEN sans un JING abondant et de bonne qualité, et sans un QI qui circule librement.

La division en Trois Trésors permet de comprendre l’interdépendance de tous les niveaux de l’être, de toutes les régions et fonctions du corps.

d. Début du LING SHU chapitre 8

6- Présentation de SHEN dans le LING SHU ch 8 :

故生之來謂之精
GU SHENG ZHI LAI WEI ZHI JING
Donc ce d’où provient la vie, c’est JING

JING représente la matière première de la vie, sa toile de fond. Sans essence, pas d’Esprit. Sans JING, l’Esprit ne trouve pas d’ancrage dans le corps : il se met à délirer.

兩 精相搏謂之神。
LIANG JING XIANG BO WEI ZHI SHEN.
Quand les 2 JING s’étreignent, c’est ce qu’on nomme SHEN.

En chacun de nous, SHEN surgit à la conception, à la rencontre de l’ovule et du spermatozoïde, JING XUE, et JING YE.

Un nouvel être, qui représente un nouveau point de vue sur le Réel, vient « d’une empoignade » de 2 lignées (il y a en effet un crossing over : un échange de matériel génétique entre l’ADN du père et l’ADN de la mère).

L’étreinte de ces 2 JING représente aussi le JING inné, (l’ancestralité) et le JING acquis dans le milieu environnant.

Car dès que la première cellule (porteuse du matériel génétique ancestrale) se divise, elle puise des essences, du JING, acquis dans le milieu environnant.

SHEN est donc une rencontre : entre deux lignées, et entre un individu et son environnement.

SHEN est à la fois le Grand Esprit au-delà du YIN/YANG, de l’espace/temps, mais c’est aussi une partie de cette conscience universelle incarnée dans un individu. Cet individu va pouvoir témoigner de la conscience universelle d’un point de vue particulier, du point de vue de son MING de son destin.

C’est comme si la conscience universelle cherchait à prendre conscience d’elle-même à travers toutes les facettes possibles.

Dans notre périple autour de SHEN et de ses 5 aspects, nous tenterons de ne pas oublier :

  • Que JING est mis en mouvement par le QI, et orchestré par SHEN.
  • Que notre Esprit ne trouvera sa précision et sa clarté que si nous prenons soin de ne pas épuiser notre réserve de JING, et de consommer un JING de qualité par notre alimentation, notre respiration, et plus globalement par tout ce que nous recevons par son 5 sens.
  • Que nous devons aussi veiller à ne pas blesser notre QI en bloquant notre respiration et nos émotions de peur de les ressentir, et à le soigner par la pratique du QI GONG.

7- Apprendre à penser à partir de l’expérience sensorielle :

Notre mental est un outil de pensée, mais il n’est pas à l’origine de la pensée.
Notre mental ne peut rien penser de vraiment nouveau.
La création de la pensée vient d’ailleurs, de SHEN.
On ne peut que l’expérimenter, dans l’écoute.
Les images et les mots permettent de témoigner au plus près de cette expérience vécue, sans pour autant pouvoir en exprimer la totalité.

Dans nos sociétés, notre capacité d’avoir une pensée créative, évolutive, est perturbée par la notion de séparation du corps et de l’esprit qui règne depuis de nombreux siècles en occident.

Chaque société élabore des représentations du monde qui offrent une réponse aux questions existentielles que se posent les hommes.
Mais ces réponses doivent être continuellement remises en question pour que l’homme continue à évoluer, et à affiner ses outils de pensée.
À chaque fois qu’un homme, ou une société ne questionne plus ses représentations, et prétend avoir trouvé la vérité, c’est un processus d’involution qui se met en branle.
L’humanité souffre de ces différentes conceptions figées qui s’opposent et provoquent des guerres.
En occident, il est nécessaire d’apprendre à penser à partir de l’expérience sensorielle, d’une expérience faisant table rase de toutes nos certitudes pour se mettre à l’écoute de la vie qui surgit dans la conscience, au lieu de tenter de faire rentrer la vie dans les différentes cases imaginées pour elle par notre mental.

HUN ET PO : L'AXE HORIZONTAL

1. INTRODUCTION :

a. MING, l’éveil :

L’espèce humaine peut expérimenter la conscience pure, sans objet.
Les traditions spirituelles appellent l’éveil cet état où nous nous sortons de ces filtres qui colorent toute notre relation au monde. Les chinois nomment cet état : MING
L’idéogramme montre le soleil et la lune : la lumière de ce qui est visible le jour et de ce qui éclaire la nuit, rendant perceptible l’invisible.

Mais lorsque la conscience cesse d’être un état de conscience, mais la conscience de quelque chose, cette faculté devient autonome : elle se coupe de ce qui la crée dans l’invisible.
Nous entrons alors dans la conscience ordinaire du monde tel que nous nous le représentons. Et nous vivons la plus grande partie de notre vie enfermés dans des représentations mentales qui font écran à la vraie présence à ce qui est.

Nous sommes la seule espèce à naitre totalement immatures, et à le demeurer aussi longtemps.
Le cerveau, libre de toute activité pour assurer sa survie, développe ainsi des neurones associatifs à l’origine de la conscience. Cette dépendance nous lie indéfectiblement aux autres êtres humains, pour le meilleur et pour le pire.
Pour le meilleur, car ce n’est qu’en relation avec les autres humains que nous pouvons apprendre à élaborer un récit proche du mystère qui nous fonde. Ce récit nous permet de supporter l’angoisse de notre origine, de notre devenir, et de la complexité des relations humaines.
Pour le pire, car nous restons très longtemps tributaires des émotions et représentations de notre milieu d’accueil.

b. SHEN et YUAN SHEN : notre matrice spirituelle

SHEN représente donc notre matrice spirituelle, en continuité avec YUAN SHEN.

SHEN a une racine au-delà de la Forme, qui peut nous effleurer, nous guider, mais qui ne peut s’incarner dans un corps : car le corps est mémoire, personnelle et ancestrale. Étant mémoire, lorsque la conscience est identifiée au corps, elle se rappelle, et devient conscience de quelque chose.

SHEN, nous l’avons vu, est une rencontre :

  • Une rencontre entre deux lignées qui peuvent se libérer grâce à cette nouvelle mouture qu’est la conception d’un nouvel être.
  • Une rencontre, à chaque instant, entre le passé porté par la mémoire du corps, et le présent. Cette rencontre est une porte possible vers l’éveil.

Pour pouvoir témoigner de la parcelle de conscience qui s’incarne, sans la confondre avec la conscience pure, les chinois ont élaboré une représentation de SHEN qui se différencie en 4 autres aspects qui auront comme demeure chacun des 4 autres organes. Cette représentation qui témoigne de paliers d’incarnation successifs crée un lien de continuité entre nos deux niveaux de conscience.

c. Les 5 aspects de SHEN reliés aux 5 organes :

Il y a donc une subdivision de SHEN en 5 aspects pour rendre compte, à la fois, des 2 niveaux de conscience (Ciel Antérieur/Ciel Postérieur) dont nous avons parlé hier, et de la continuité de l’Esprit (conscience) dans toutes ses manifestations :

  • Le SHEN du Ciel Antérieur non assujetti au YIN/YANG, non incarné et non incarnable. C’est une parcelle individuelle de YUAN SHEN reliée au cœur. C’est le SHEN dont le cœur/conscience peut avoir l’intuition lorsqu’il est vide de désirs et de répulsions.
  • Le SHEN du Ciel Postérieur relié aux 4 autres organes. Il y a là aussi une subdivision :
    • Les HUN et les PO, reliés respectivement au Foie et aux Poumons, sont en partie incarnés, et en partie non incarnés.
    • Le YI et le ZHI, aspects de SHEN reliés respectivement à la Rate et aux Reins sont eux, totalement incarnés.

Cette subdivision de SHEN en 5 va nous permettre de comprendre comment nous élaborons notre pensée, une pensée en élaboration constante en réponse à notre vécu, et à notre évolution.
Pourtant, cette élaboration ne se fait pas sans difficulté.
C’est pour rendre compte de ces difficultés que les chinois ont créé le concept des SHEN et des GUI.

2. Les GUI, l’axe horizontal :

Les PO et les HUN 魄 reliés à l’Ouest et à l’Est, représentent notre axe horizontal, notre relation au monde.
Ces deux aspects de SHEN, phases descendante (reliée aux Poumons) et phase ascendante (reliée au Foie) de SHEN, portent le caractère de GUI 鬼 le fantôme.

a. Le caractère Gui signifie : diable, fantôme.

Les différents sens de GUI dans le dictionnaire RICCI sont :

  • Âme d’un défunt encore lié au monde
  • Âme errante
  • Fantôme, revenant,
  • Âme d’une personne qui n’a pas quitté le cycle des renaissances, par opposition à SHEN, l’âme immortelle.
  • Démon, diable.

Les GUI s’opposent au pouvoir rayonnant de SHEN. Ils en représentent les forces brutes à transformer.
GUI : ceux qui reviennent. C’est ce caractère fixé, obsessionnel, qui rend les GUI dangereux, égocentriques, assoiffés de vie pour soi.
Les GUI ne lâchent pas prise : ils reste accrochés au cadavre, aux lieux où ils ont vécu. Leur soif d’être vus, reconnus, vengés est encapsulée dans le corps de leurs descendants, ou dans la mémoire collective d’une société, d’un peuple.
Les GUI sont d’autant plus puissants qu’ils ne sont pas vus, et agissent alors à travers nous à partir de notre inconscient. Lorsqu’ils sont reconnus et nommés, ils perdent beaucoup de leur pouvoir, et acceptent de coopérer au projet de vie.
C’est une formule très imagée, mais elle correspond à une réalité dont nous pouvons faire l’expérience : Il y a en nous des forces défensives, morbides, qui rétractent notre conscience, et des forces d’expansion, d’ouverture qui rayonnent. Les GUI blessent l’homme.

b- Lao Zi chapitre 60 :

治 大 國,若 烹 小 鮮。
ZHI DA GUO, RUO PENG XIAO XIAN.
Ordonner un grand pays, c’est comme faire frire des petits poissons.

以 道 蒞 天 下,其 鬼 不 神;
YI DAO LI TIAN XIA, QI GUI BU SHEN ;
Si l’on gouverne le monde selon le Dao, alors les GUI ne sont pas des SHEN.

非其鬼不神,其神不傷 人;
FEI QI GUI BU SHEN, QI SHEN BU SHANG REN ;
Ce n’est pas que les GUI ne soient pas des SHEN, c’est que ces SHEN ne blessent pas l’homme ;

非其神不傷人,聖人亦不傷 人。
FEI QI SHEN BU SHANG REN, SHENG REN YI BU SHANG REN.
Ce n’est pas que ces SHEN ne blessent pas les hommes, c’est que l’homme sage, lui, ne blesse pas les hommes.

夫兩不相 傷,故德交歸焉。
FU LIANG BU XIANG SHANG, GU DE JIAO GUI YAN.
Alors tous les deux (SHEN et GUI) ne se blessent pas mutuellement, et ainsi le DE revient grâce à cette entente.

Il est donc important de savoir qu’il existe, au cœur du rayonnement de SHEN, des GUI qui se contractent comme la matière. Bien que faisant partie de SHEN, il importe cependant de les distinguer, sous peine de blessure pour l’être.

3. Il y a une différence importante entre les GUI reliés aux HUN et ceux reliés aux PO :

Même si Les HUN et les PO sont tous les deux des GUI, il y a cependant une différence entre les deux :

a. Les GUI des PO :

i. Les GUI des PO sont des GUI reliés à la forme :

Le radical qui spécifie les PO est BAI , qui signifie blanc (représentée par le soleil levant), brillant, évident, manifesté.
C’est le fantôme évident relié au corps : il se voit, sans pour autant que la partie « fantomatique » du corps soit reconnue comme telle !
Les PO représentent notre matrice corporelle : ils s’associent aux « esprits » de la terre et de nos ancêtres pour créer un corps, une forme de vie séparée, mortelle.

地氣為魄
DI QIWEIPO
« Les souffles de la terre font les PO » Huai Nan Zi.

魄者死氣之舍
PO ZHESI QIZHISHE
« Le Po est l’abri du souffle de mort. » Fan Li.

Les formes sont, de façon évidente, porteuses d’une énergie morcelante, et souvent, ce n’est qu’en fermant les yeux que nous pouvons « sentir » que nous ne nous limitons pas à notre corps physique, où que le QI projeté par nos mains peut traverser la peau. L’identification à notre corps est l’illusion la plus difficile à effacer.

魄者囊也
PO ZHE NANG YE
« Le Po, c’est l’enveloppe » FAN LI (commentaires du XU XING DA YI)

ii. Ils sont utiles :

Les « esprits » de la Terre représentent la mémoire de toutes les formes de vie séparée qui ont existé depuis le début de l’espace/temps, depuis ce que les chinois appellent la création du Ciel/Terre.
Leur dynamique est centripète, en charge de la cohésion de la vie de l’individu.
C’est grâce à eux que nous avons un corps.
La matière est une contraction de l’énergie.

iii. Ils sont aussi nuisibles :

Les GUI des PO peuvent être nuisibles lorsqu’ils agissent pour leur propre compte.
C’est à cause d’eux que le corps est porteur de mémoires cellulaires très puissantes au travers desquelles nos ancêtres cherchent à obtenir réparation.
Tous les non-dits, les secrets de famille, les évènements non assumés créent une mémoire qui se transmet de génération en génération.

iv. Ils se signalent par le corps ou la perception du corps :

Le plus souvent, les GUI des PO se signalent par des symptômes corporels, des maladies.
Nous pouvons aussi les repérer par les sentiments que nous éprouvons à propos de notre corps, sentiments qui peuvent être tellement distordus par rapport à la réalité que certaines jeunes filles se trouvent grosses alors même qu’elles sont en train de se laisser mourir de faim.

v. À la mort :

À notre mort, ils restent quelques temps attachés aux os, ou attachés au lieu d’un accident, s’alliant parfois aux PO qui habitent d’autres corps pour provoquer un autre accident au même endroit.
Ils sont un peu plus « GUI » que les HUN, à tel point que l’on peut parfois opposer les HUN et les PO, comme si seuls les PO étaient des GUI.

b. Les GUI des HUN :

i. Le fantôme qui parle :

Le radical qui spécifie les HUN est YUN qui signifie : dire, déclarer, nommer.
Les HUN sont les fantômes qui « parlent ».
La parole, lorsqu’elle est au plus proche de la sensation, a le pouvoir de libérer l’énergie enfermée dans le corps.

ii. Ils sont utiles :

En ce sens, les HUN peuvent libérer les fantômes enfermés dans le corps : lorsqu’un secret de famille est dit, il y a des symptômes qui s’éteignent.
C’est ce qui rend les HUN plus proches du pouvoir rayonnant de SHEN.

天氣為魂
TIAN QI WEI HUN
« Les souffles du Ciel font les Hun. » WU XING DA YI.

魂者生 氣之源
HUN ZHE SHENG QI ZHI YUAN
« Le Hun, c’est la source du souffle de la vie. » FAN LI.

iii. Ils peuvent être nuisibles :

Cependant, ils ne sont pas exempts de pouvoir rétractant de saisie des choses et des êtres.
Ils s’associent aux « esprits » du Ciel pour créer les forces psychiques qui animent notre corps. Ces forces, porteuses de la mémoire ancestrale, portent avec elle le désir de vivre de nos ancêtres, mais aussi leur désir de saisir, de posséder, d’obtenir réparation.

Les GUI des HUN s’expriment le plus souvent par des symptômes psychiques, névrotiques ou psychotiques, reflétant les défauts de construction psychique de notre lignée.
Étant plus proches des SHEN, à la mort du corps, ils iront rejoindre les HUN de la lignée familiale ou le SHEN universel en fonction du degré d’éveil de la personne qui meurt.

c. Les GUI comme des forces venues du passé, des contenus psychiques ou corporels pulsionnels :

Ils sont activés par les circonstances de notre vie : les chocs, accidents, deuils, séparation, immigration, stress, mais aussi par toutes les zones de conflits qui réactivent nos blessures profondes, personnelles ou ancestrales.
La conscience de notre axe vertical, de notre enracinement au Ciel/Terre, va nous permettre de « voir » ces GUI, et de ne pas nous identifier à eux.

Les GUI perdent alors de leur pouvoir « maléfique » et peuvent alors participer à une saine construction du psychisme, capable de rendre compte de notre statut d’humain, qui, par sa verticalité, relie en lui le Ciel, la Terre, et les humains.

La tension qu’ils créent dans le corps devient alors source d’évolution au lieu d’involution.

4. Les PO   notre matrice corporelle

Pour pouvoir se manifester et devenir conscient de lui-même, SHEN doit pouvoir s’incarner dans une forme corporelle.
L’aspect de SHEN qui est à l’origine de notre corps est représenté par les PO. Ce sont des forces de fixation, qui créent un corps individuel, mortel.
En effet, les PO génèrent un corps qui s’individualise du Grand Tout, pour une période limitée d’expérimentation : il programme la mort.

a. Les PO sont la phase descendante du TAI JI :

Au moment de la conception, qui représente l’aspect feu de SHEN, une étincelle de YUAN SHEN apparait à la rencontre des 2 JING, paternel et maternel, (l’ovule et le spermatozoïde) et forme un nouveau point de vue sur le monde. À partir de là, c’est la phase descendante du TAI JI, l’aspect métal de SHEN, qui est à l’œuvre : les PO.

Durant la vie, le support immatériel du PO est le QI, organisé par les Poumons. C’est pourquoi le Poumon est le premier ministre, chargé de l’entretien du corps, de la régularité du souffle et de la circulation du QI dans les méridiens principaux, lié à l’énergie nourricière RONG 榮。

b. Le PO assure la physiologie corporelle en lien avec JING :

Le PO détient la faculté d’organiser les limites et les structures de l’enveloppe corporelle spécifique d’un individu selon les impulsions de SHEN et les plans et potentiels de JING.
Il accompagne JING dans ses entrées et sorties.

Les PO nous offrent l’espace indispensable à notre expérience de nous-mêmes et du monde par les mouvements et la sensorialité.
Les dernières recherches en neurophysiologie viennent confirmer cette intuition : « Le corps fournit un contenu fondamental aux représentations mentales » Damasio. Toute forme de conscience, aussi élaborée et abstraite soit-elle, implique le corps et passe par lui.

Le PO permet les sensations proprioceptives et endoceptives du corps. C’est la sensibilité propre aux os, aux articulations, muscles, tendons et viscères. Cela nous renseigne sur notre statique, notre équilibre, notre déplacement dans l’espace, nos sensations intérieures. Grâce à cette sensibilité, nous pouvons retourner nos sens vers l’interne, afin de gouter, voir, sentir et toucher notre intériorité. Par lui, nous pouvons sentir ce qui se passe à l’intérieur de notre enveloppe corporelle, mais aussi à l’intérieur de notre enveloppe énergétique.

Nous pouvons sentir nos frontières, avoir conscience de nos limites, et par là percevoir le lieu de contact avec l’autre à l’extérieur et même le lieu de relation et de contact avec l’Autre à l’intérieur, avec nos ancêtres-en-nous.

Car nos corps sont porteurs des mélancolies ancestrales qui éteignent la vitalité. Étant la substance même de la conscience, si cette mémoire n’est pas reconnue, elle se perpétue de vie en vie.

5- Les HUN sont notre matrice psychique :

a- Phase ascendante du TAI JI :

Les HUN apparaissent au moment de la naissance.
Ils représentent la phase ascendante du TAI JI : le soleil levant de SHEN.
C’est une phase d’expansion et de jaillissement vertical.
Les PO représentent la continuité et la cohésion de la forme individuelle, et les HUN la possibilité d’évolution pour s’adapter et survivre à de nouvelles conditions, la capacité de créer, de se projeter au-delà des limites imposés par la forme.
Le HUN représente un élan de vie, un pouvoir d’évolution.

b- Les HUN sont les forces qui nous poussent à évoluer :

YUAN SHEN est non-conscient (sur-conscient), impersonnel et indifférencié.
Le HUN est l’aspect de SHEN qui s’incarne et devient conscient et individuel.
Le HUN représente l’ensemble des facultés qui nous permettent d’avoir conscience de notre existence, d’agir et de communiquer avec le monde extérieur, de ressentir et d’exprimer nos émotions.
La conscience appartient au HUN.
Le HUN suit SHEN dans ses allées et venues. Il a tendance à s’élever vers le Ciel. À la mort, il va rejoindre notre lignée familiale.
C’est l’outil qu’utilise SHEN pour se manifester : intelligence, spiritualité, intuition, grands sentiments, rêves, introspection, créativité, imagination, enthousiasme, désir de vivre…

c- Les HUN sont cependant porteurs de GUI :

Le HUN, en nous, s’est construit à partir de ce qui a permis à nos parents de nous concevoir dans leur désir avant de nous former dans un corps. Il a fallu que quelque chose en eux, consciemment ou inconsciemment désire se reproduire, désire perpétuer la lignée familiale. C’est de cet enracinement de notre psychisme en amont de notre enracinement dans le corps de notre mère que dépendent la force et la clarté de notre HUN et, à travers lui, notre psychisme et notre santé mentale. Notre HUN a donc pris appui sur notre lignée familiale pour se construire, mais il n’est devenu opérant pour nous qu’au moment de la naissance, à cet instant où, sorti de la matrice corporelle de notre mère, nous avons été accueilli dans la parole et dans le regard de notre entourage familial.

Porteur du désir de vivre et de perpétuer la vie transmis par nos ascendants, il est aussi porteur de leur acharnement à saisir, posséder, obtenir vengeance ou réparation.

d- Les HUN sont liés au mouvement du Foie, du Bois :

Durant la vie, leur support matériel est le sang, thésaurisé par le Foie. Le jour, le sang, véhiculant les HUN, se rend aux yeux et l’on voit. La nuit, il s’intériorise et permet les rêves.

Les HUN sont reliés au mouvement du Bois, et au Foie, le Général en chef des Armées.

C’est à lui que l’Empereur, le Cœur, délivre le mandat de gouverner en cas d’urgence.
L’empereur n’agit pas, mais le général des armées agit.
Lorsqu’il y a urgence, car risque d’involution, le général des armées est sollicité pour agir et parler.

Les GUI sont toujours porteurs de honte. Ils aiment l’ombre et le secret. Lorsque, porté par la puissance du Bois, du désir de vivre, nous osons dire ce qui nous habite en prenant la responsabilité des GUI qui nous parasitent, l’aspect GUI des HUN disparaît : les résidus du passé ne résistent pas à la lumière.

Les HUN nous obligent alors à évoluer, à sortir des répétitions morbides. Un commentaire de la Fleur d’Or illustre la nature contradictoire des Hun :

« La nature Véritable (XING ), sort du Sans Faîte (WU JI 無極), reçoit l’Énergie du 太極, et devient le HUN . Elle reçoit la nature de son père et de sa mère comme YUAN SHEN 原 神。

Ce YUAN SHEN est sans conscience (ordinaire) et sans savoir (formalisé), mais il est capable de gouverner les processus de formation du corps. Le HUN est très manifeste et très actif, et il est capable de s’adapter de façon incessante. Il est le maitre du Cœur/conscience, (XIN ) . Aussi longtemps qu’il loge dans le corps, c’est le HUN. Lorsqu’il se sépare du corps, il devient SHEN. Quand le corps entre dans l’existence, SHEN n’a pas encore formé d’embryon dans lequel il puisse s’incarner. Il se fixe dans l’unité libre du WU JI. Au moment de la naissance, le HUN aspire l’énergie de l’air : il devient la maison du nouveau-né. Il loge dans le cœur. Dès ce moment, le cœur/conscience est le maitre, et YUAN SHEN perd sa place, tandis que le HUN est au pouvoir. YUAN SHEN aime la tranquillité (JING 精). Le HUN aime l’agitation (DONG 動). Dans ses mouvements, il demeure lié aux sentiments (QING 情) et aux désirs (YU 欲). Jour et nuit, il consomme YUAN JING jusqu’au moment où il a épuisé l’énergie de YUAN SHEN. Alors le HUN abandonne l’enveloppe corporelle et s’en va. »

6- Harmoniser les GUI et les SHEN, les HUN et les PO :

Une grande partie des difficultés des individus et de l’humanité peut se comprendre dans les conflits entre les SHEN et les GUI, entre les forces de rétraction ou de saisie et les forces d’expansion ou de rayonnement et entre les HUN et les PO. Il est important de voir qu’il y a des GUI en nous, que ces GUI désirent nous diriger pour répondre à leurs propres besoins, en s’opposant au pouvoir rayonnant de SHEN.

Ces GUI ont une place nécessaire et utile : ils font partie de notre MING.

Mais ils ne doivent pas diriger. Ils sont comme les cellules cancéreuses qui refusent de prendre leur place dans la hiérarchie corporelle en redevenant indifférenciées, et en assurant leur propre vie au dépend du corps dont elles font partie.

7- Divers textes sur les HUN et les PO

就 陰 殃 論 唯 有 二 別:
JIU YIN YANG LUN WEI YOU ER BIE :
« Selon la théorie du YIN/YANG. Il y a seulement deux divisions :

陽 曰魂,陰曰魄。
YANG YUE HUN, YIN YUE PO.
L’aspect YANG se nomme HUN, l’aspect YIN se nomme PO. » (WU XING DA YI »

天 氣 為 魂,地 氣 為 魄。
TIAN QI WEI HUN, DI QI WEI PO.
« Les souffles du Ciel forment les HUN, les souffles de la Terre forment les PO. » (HUAI NAN ZI)

魄 者 囊 也. 魂 者 生 氣 之 源。
PO ZHE NANG YE. HUN ZHE SHENG QI ZHI YUAN.
« Les PO, c’est l’enveloppe. Les HUN sont la source du souffle de la vie.

又云 魂 者 生 氣 之 精,魄 者 死 氣 之舍。
YOU YUN HUN ZHE SHENG QI ZHI JING, PO ZHE SI QI ZHI SHE.
On dit aussi : le HUN est l’essence du souffle de la vie ; le PO est l’abri du souffle de la mort. » (FAN LI : commentaire du WU XING DA YI)

肺 藏 魄.者 魄以相 著 為 名。肺 為 少陰。
FEI CANG PO. ZHE PO YI XIANG ZHU WEI MING. FEI WEI SHAO YIN.
« Les Poumons thésaurisent les PO. Les PO, c’est ce qui a statut de premier ministre. Les Poumons, c’est le petit YIN.

陰性恬 精。金主殺。
YIN XING TIAN JING. JIN ZHU SHA.
La nature du YIN, c’est la douceur et la tranquillité. Le Métal dirige la destruction.

魄 又 主 惡。 故 以 藏 之。
PO YOU ZHU E. GU YI CANG ZHI.
Les PO dirigent aussi le Mal. Donc, ils le recèlent.

肝 藏 魂 者。魂 以 運 動 為 名。
GAN CANG HUN ZHE. HUN YI YUN DONG WEI MING.
Le Foie thésaurise les HUN. Les HUN, c’est le nom qu’on donne à ce qui circule et bouge.

肝 是 少 陽。 陽 性 運 動,木 性 仁。
GAN SHI SHAO YANG. YANG XING YUN DONG. MU XING REN.
Le Foie, c’est le petit YANG. La nature du YANG, c’est la circulation et le mouvement. La nature du Bois, c’est l’humanité.

故 魂 亦 主 善,故 藏 於 肝 焉。
GU HUN YI ZHU SHAN, GU CANG YU GAN YAN.
Donc, les HUN dirigent aussi le Bien. Donc, ils le mettent en recel dans le Foie. » (WU XING DA YI)

附 形 之 靈 為 魄。附 氣 之 神 為 魂。
FU XING ZHI LING WEI PO. FU QI ZHI SHEN WEI HUN.
« Ce qui s’appuie sur l’efficacité spirituelle du corps, ce sont les PO. Ce qui s’appuie sur l’Esprit organisateur des souffles, ce sont les HUN. »

神 通 萬 變 為 之 靈。
SHEN TONG WAN BIAN WEI ZHI LING.
« Quand SHEN communique avec les 10 000 transformations, c’est ce qu’on appelle l’efficace spirituel.

萬 變 若 一 氣, 反 元 神。
WAN BIAN RUO YI QI, FAN YUAN SHEN.
Quand les 10 000 transformations deviennent un seul souffle, cela fait retour à l’Esprit Originel. » (TAI XI JING)

人生 有氣。魂氣者神之盛也。
REN SHENG YOU QI. HUN QI ZHE SHEN ZHI SHENG YE.
« la vie de l’homme a du QI. Les souffles des HUN, c’est la plénitude de SHEN.

魄 氣 者 鬼 之 盛 也。人 生 有 死。
PO QI ZHE GUI ZHI SHENG YE. REN SHENG YOU SI.
Les souffles des PO sont la plénitude des fantômes. Dans la vie de l’homme, il y a la mort.

死 必 歸 土。此 為 之 鬼。
SI BI GUI TU. CI WEI ZHI GUI.
À la mort, on retourne à la Terre. C’est cela qu’on appelle les GUI.

魂 氣 歸 乎 天。 此 為 神。
HUN QI GUI HU TIAN. CI WEI SHEN.
Les souffles des HUN retournent au Ciel. C’est cela qu’on appelle SHEN.

合 鬼 與 神 而 享 之 教 之 至 也。
HE GUI YU SHEN ER XIANG ZHI JIAO ZHI ZHI YE.
Savoir harmoniser les GUI et les SHEN et recevoir leur influx bénéfique, c’est le plus haut degré d’un enseignement.

骨 肉 敝 乎 下 化 為 野 土。
GU ROU BI HU XIA HUA WEI YE TU.
Les os et les chairs se détériorent vers le bas, et leur transformation est du domaine de la Terre.

其 氣 發 揚 乎 上, 此 神 至 著 也。
QI QI FA YANG HU SHANG, CI SHEN ZHI ZHU YE.
Mais si le souffle jaillit et se propage vers le haut, c’est SHEN qui se manifeste. » (WU XING DA YI. Texte attribué à Confucius.)

8- Le traité de la fleur d’or chapitre 2

凡 人 以 意 生 身。
FAN REN YI YI SHENG SHEN
« En général, l’homme crée son corps avec son YI.

身 不 止 七 尺 者 為 身 也。
SHEN BU ZHI QI CHI ZHE WEI SHEN YE
Ce qu’on appelle le corps n’est pas limité au corps de 7 pieds.

蓋 身 中 有 魄 焉。
GAI SHEN ZHONG YOU PO YAN
Au centre du corps, il y a le PO.

魄 附 識 而 用, 識 意魄 而 生。
PO FU SHI ER YONG SHI YI PO ER SHENG.
Le PO s’appuie sur la conscience pour fonctionner. La conscience s’attache au PO pour surgir

魄 陰 也。 識 之 體 也。
PO YIN YE. SHI ZHI TI YE.
Le PO est YIN. C’est la substance de la conscience individuelle.

識 不 斷 則 生 生 世 世。
SHI BU DUAN ZE SHENG SHENG SHI SHI
Si la conscience individuelle n’est pas coupée, alors il y a passage de vie en vie et de siècle en siècle.

魄 之 變 形 易 質 無 已 也。
PO ZHI BIAN XING YI ZHI WU YI YE.
Les changements de forme du PO et les mutations de la matière n’ont pas de cesse.

惟有魂神 之所 藏也。
WEI YOU HUN SHEN ZHI SUO CANG YE
Pourtant, il y a le HUN qui constitue le recel de SHEN.

晝 寓於目,夜舍於肝。
ZHOU YU YU MU, YE SHE YU GAN
Le jour, il habite dans les yeux, et la nuit, il s’abrite dans le Foie.

寓 目 而 視, 舍 肝 而 蒙。
YU MU ER SHI, SHE GAN ER MENG
Habitant dans les yeux, alors on voit, habitant dans le Foie, alors on rêve.

蒙 者神 遊也九天九地。
MENG ZHE SHEN YOU YE JIU TIAN JIU DI
Les rêves sont les vagabondages de SHEN à travers les 9 cieux et les 9 terres

剎 那 歷 遍。
CHA NA LI BIAN.
En un clin d’œil, il les parcourt en tout sens

覺 則 冥 冥 焉,淵 淵 焉, 拘 于 形 也。
JUE ZE MING MING YAN, YUAN YUAN YAN, JU YU XING YE
Mais si, en se réveillant, on se sent obscur, obscur, comme enfoncé dans un abime, contraint par la forme,

即 拘 于 魄 也。
JI JU YU POYE.
C’est qu’on est enchainé par le PO ».

9- Entre désirs et limitations :

Nos difficultés de vie peuvent se comprendre dans une mauvaise collaboration entre les HUN et les PO, entre nos désirs et nos limitations.

Entre le désir de dépasser nos limites, d’explorer l’inconnu, et la connaissance et l’acceptation de nos contours qui nous donnent un sentiment de continuité, de cohérence et de sécurité.

Nos limites nous font percevoir notre incomplétude, notre nature mortelle, et l’angoisse que crée ce manque nous porte à le combler par plus d’objets, d’amour, de connaissances.

Un jour ou l’autre, nous prenons conscience que ce manque ne peut pas être comblé par « plus de quelque chose ».

Nous cessons alors de vouloir combler ce manque, nous acceptons nos limites sans pourtant restreindre notre désir d’explorer autre chose que ce que nous connaissons.

Il ne s’agit donc pas de se battre contre nos limites, mais d’entrer en relation avec cet espace inconfortable, où l’on accepte simplement de rester là pour, enfin, expérimenter l’inconnu.

Puiser dans nos racines, les honorer, les reconnaitre, voir ce dont nous sommes porteur, puis partir vers l’inconnaissable de soi et de l’autre.

Car il ne s’agit pas non plus de nous soumettre !

Contrairement à ce que nous pensons généralement, ce sont nos limites qui nous propulsent vers l’inconnaissable : ce sont les PO qui offrent leur appui aux HUN.

Le PO est la substance de la conscience.

Le HUN a besoin de s’appuyer sur les contours du corps, sur l’expérience sensorielle, pour pouvoir se dresser et se déployer.

Il s’agit d’oser élaborer un récit au plus proche des sensations déclenchées lorsqu’au lieu de chercher à combler le manque, on accepte tout simplement de le rencontrer.

YI ET ZHI : L'AXE VERTICAL

1.Introduction :

Assumer son destin, c’est prendre la responsabilité des GUI enfermés dans notre corps, de façon à ne pas les laisser prendre les commandes de notre destinée. Personne ne peut le faire à notre place.

Et nous ne pouvons le faire sans permettre à SHEN de trouver son amarre à l’aide d’une pratique corporelle qui nourrit la conscience de l’axe vertical vide au centre du corps, centré par le DAN TIAN inférieur, exactement comme nous le souligne l’idéogramme SHEN 神。

Rappelons-nous le texte de la Fleur d’Or :

« Quand le corps entre dans l’existence, SHEN n’a pas encore formé d’embryon dans lequel il puisse s’incarner.
Il se fixe dans l’unité libre du WU JI.
Au moment de la naissance, le HUN aspire l’énergie de l’air : il devient la maison du nouveau-né. Il loge dans le cœur.
Dès ce moment, le cœur/conscience est le maitre, et YUAN SHEN perd sa place, tandis que le HUN est au pouvoir. »

Pour que SHEN reprenne sa place, il lui faut trouver son amarre dans le corps. Nous allons voir que cette amarre est le ZHI, pôle nord de SHEN.

1.Présentation du Yi et du ZHI :

a. Le Yi  :

所以任物者為之心
SUO YI REN WU ZHE WEI ZHI XIN
Ce qui prend en charge les êtres, c’est le Cœur/conscience

心有所憶為之意
XIN YOU SUO YI WEI ZHI YI
Lorsque, dans le cœur, se font jour des réminiscences, c’est ce qu’on appelle le YI. (LING SHU 8)

Qu’entend-on par « réminiscence » ?

YI signifie : se souvenir de, réminiscence.

C’est le radical du cœur, et la phonétique est YI , le terme que l’on cherche à définir, l’aspect de SHEN relié à la Rate.

Pour comprendre de quoi le cœur se rappelle, il va donc falloir nous pencher sur l’idéogramme YI

Le radical, placé cette fois-ci au-dessous, est encore XIN , le cœur/conscience. La phonétique montre une note de musique, une vibration. Ce terme porte une multitude de sens, ce qui montre bien la difficulté à le traduire.

Les différents sens sont aussi variés que :

  • Idée, opinion
  • Intention, désir,
  • Sentiment,
  • Signification, ambiance, nuance, coloration,
  • S’attendre à, présumer,
  • Premier minuscule mouvement énergétique à l’origine d’une pensée.
  • Intention que celui qui parle, pense ou agit met dans ce qu’il exprime.

Comment dégager une compréhension de ce terme ?

Rappelons-nous que la Rate appartient au mouvement de la Terre, domaine des formes.

Notre corps est une mémoire : une forme qui emmagasine une énergie porteuse d’une trajectoire.

Notre corps a gardé la mémoire de toutes les intentions de ceux qui nous ont parlé durant notre enfance, mais aussi la mémoire de toutes les vibrations reçues par nos ancêtres.

Le YI est donc la mémoire, emmagasinée dans le corps, de toutes les « ambiances » vibratoires relationnelles qui ont laissé des traces chez nos ancêtres ou dans notre histoire personnelle.

Cette mémoire est « endormie » dans notre corps/mémoire. Le corps, formé par les PO, est la substance de la conscience : il permet de sentir, et même de ressentir.

Lorsque quelque chose dans l’environnement réveille la mémoire inscrite dans notre corps : c’est alors le cœur/conscience qui se rappelle, qui a une réminiscence YI .

Cela éveille une « vibration, une ambiance, une coloration, un très léger mouvement, comme une ébauche de ce qui pourrait devenir une image, une pensée, une prise de conscience. »

b. Le Zhi :

意之 所 存 為 之 志
YI ZHI SUO CUN WEI ZHI ZHI
Quand le YI trouve à s’établir, c’est ce qu’on nomme le ZHI.(LING SHU 8)

L’idéogramme ZHI montre une pousse qui se développe sur le radical du cœur/conscience.

Le ZHI est le pôle de SHEN relié aux Reins. Les Reins gouvernent énergétiquement la région du bassin, et ils ont la maîtrise des 2 orifices inférieurs.

Lorsque ce « quelque chose » qui est éveillé, dont le cœur/conscience se souvient, grâce à la mémoire de notre terrain (Terre/Rate), s’établit et s’installe pour devenir le ZHI, alors le souffle est solidement enraciné dans le corps.

志 有 所 在, 則 神 有 所 繫
ZHI YOU SUO ZAI, ZE SHEN YOU SUO XI.
Quand le ZHI trouve à s’établir, alors SHEN possède son amarre (HUAI NAN ZI)

La dernière partie du corps dont l’enfant obtient la maîtrise est le périnée. En effet, le jeune enfant apprend à marcher et même à commencer à parler avant de pouvoir maîtriser ses sphincters.

c. Un corps/esprit complet :

Lorsqu’il maîtrise ses sphincter, l’enfant possède alors un tactilité fine : il est vraiment incarné dans son corps. Neurologiquement, son corps est indépendant de celui de sa mère : les PO ont complété leur travail.

Il peut démarrer son aventure personnelle.

Car, désormais, il peut « Toucher Terre », c’est-à-dire être en lien directement avec la Terre, et à travers elle, avec son environnement.

C’est le début de l’aventure d’une conscience qui lui est propre : il commence à témoigner du monde « vu par lui », de son point de vue.

C’est d’ailleurs la période du « non ». Il va bien entendu commencer par s’opposer pour se définir !

志意通內連骨髓而成身形五臟
ZHI YI TONG NEI LIAN GU SUI ER CHENG SHEN XING WU ZANG
Lorsque le ZHI et le YI communiquent à l’interne, ils rassemblent les os et les moelles, et parachèvent la personnalité, le corps et les 5 organes.(SU WEN CH 62)

d. Le ZHI est le socle qui donne une direction juste aux souffles des 5 organes :

Les différents sens de ZHI dans le dictionnaire Ricci sont :

  • Volonté profonde, détermination.
  • Vouloir : puissance spirituelle propre aux Reins.
  • Tension vitale qui se particularise en 5 aspects, animant chacun des 5 organes.
  • Vouloir-vivre : le cœur, enraciné, tend à s’épanouir.
  • La mémoire où sont emmagasinées les impressions.

Il y a donc une notion de volonté, de détermination, détermination qui donne un socle, une direction ferme, une éthique propre au mouvement d’énergie des 5 organes :

Le ZHI du Foie, c’est REN l’humanité

Le ZHI de la Rate, c’est XIN la sincérité

Le ZHI des Poumons, c’est YI la justice, la droiture

Le ZHI du cœur, c’est LI le sens du sacré

Le ZHI des Reins, c’est ZHI la sagesse.

Mais c’est aussi ce qui nous permet de prendre conscience des mémoires que nous portons afin qu’elles cessent d’agir dans l’ombre, et de perturber la vertu propre à chaque organe.

e. Le YI et le ZHI donne sa rectitude à SHEN :

Le petit humain obtient un corps, mais ce n’est que lorsque SHEN obtient son amarre que ce corps peut cesser d’être la proie des GUI, et que SHEN, l’esprit organisateur des souffles est vraiment à la barre.

志 意 者 所 以 御 精 神。
ZHI YI ZHE SUO YI YU JING SHEN.
Le YI et le ZHI, c’est ce qui gouverne SHEN porteur de JING.

收 魂 魄,適 寒 溫,和 喜 怒 者 也。
SHOU HUN PO, SHI HAN WEN, HE XI NU ZHE YE.
C’est ce qui rassemble HUN et PO, ce qui fait tendre le froid vers le tiède, ce qui harmonise la joie et la colère.

志意和則精神 轉 直。
ZHI YI HE ZE JING SHEN ZHUAN ZHI
L’harmonisation de YI et de ZHI, donne le pouvoir de la rectitude à SHEN porteur de JING.

魂魄不散悔怒不起五臟不受邪矣
HUN PO BU SAN, HUI NU BU QI, WU ZANG BU SHOU XIE YI.
Les HUN et les PO ne se dispersent pas, le regret et la colère ne se manifestent pas, les 5 organes ne récoltent pas d’énergie perverse.

此 人 之 常 平 也。
CI REN ZHI CHANG PING YE.
Alors l’homme est constamment en équilibre. (LING SHU chapitre 47)

2. L’aventure de l’évolution de la conscience vers l’éveil :

a. Toucher Terre permet de s’éveiller à la conscience des GUI portés par le corps :

Il ne s’agit pas de pouvoir « Toucher Terre » pour le faire réellement.

Il suffit de prendre une posture de QI GONG debout pour percevoir très vite à quel point notre corps se retient.

Ce qui tend notre corps, et lui interdit de lâcher prise, de faire confiance à la terre pour le porter, ce sont les GUI des PO.

La pratique très fine du QI GONG nous guide sur ce chemin :

  • L’écoute des tensions du corps.
  • La reconnaissance tranquille de ce qui résiste, l’écoute sensorielle.
  • La présence totale à la fin de l’expiration, moment privilégié où l’énergie bloquée dans le corps va pouvoir lâcher prise dans la terre.

Les GUI des PO vont s’éliminer par le bas (l’anus s’appelle la porte des PO) dans une capacité à laisser notre corps lâcher dans la terre, c’est-à-dire à percevoir que nous ne sommes pas fondamentalement séparé de notre environnement, et, en premier lieu, de la terre qui nous porte.

Une pratique régulière du QI GONG va graduellement nous permettre d’écouter une situation dans une posture juste.

SHEN ayant obtenu son amarre, une ébauche de prise de conscience peut se faire. Cette sensation éveillée n’est pas encore une pensée.

Mais seul, le lâcher-prise corporel permet ce début d’éveil.

b. Oser sa parole permet de lâcher les GUI :

Il s’agit maintenant de passer d’un « ressenti » (réminiscence du cœur qui éveille le YI ), actualisé « ici et maintenant » par le ZHI à la possibilité d’en témoigner par la parole.

Cette sensation éveillée n’est encore qu’une ébauche de pensée. Mais seul, le lâcher-prise corporel permet une prise de conscience juste. Sinon, les GUI des HUN vont s’emparer de ce ressenti pour l’interpréter à leur manière. Ils vont nous faire réagir à la situation en rendant l’environnement responsable d’une souffrance du passé et nous forcer à chercher réparation.

Cela explique pourquoi nous sommes parfois dévastés par une situation ou une parole qui peuvent sembler anodines à un observateur extérieur.

Lorsqu’en thérapie, on constate ce qui a bloqué l’évolution d’un enfant, on est parfois effaré par l’aspect anodin de l’événement.

Les GUI vont s’emparer de ce ressenti pour l’habiller d’images (HUN) qui prennent formes dans des mots (PO) : l’aventure de la « chasse aux fantômes » commence ! C’est notre aventure d’humain, en charge d’une mémoire ancestrale, d’un destin, qu’il a à assumer, à porter, et à faire évoluer.

À travers chaque destin particulier qui est assumé, actualisé, l’humanité évolue.

i. Rester connectés à YI : ZHUANG ZI ch 13

Il s’agit d’abord de ne pas perdre de vue le YI qui est à l’origine des images et des mots que nous élaborons. Le YI se trouve au centre de l’axe horizontal, entre les HUN et les PO.

世之所貴道 者書也。
SHI ZHI SUO GUI DAO ZHE SHU YE.
Le monde, ce qu’il aime du DAO, il le trouve dans les livres.

書 不 過 語,語 有 貴 也。
SHU BU GUO YU, YU YOU GUI YE.
Mais les livres ne vont pas au-delà des mots, pourtant les mots ont de la valeur.

語 之 所 貴 者 意 也。
YU ZHI SUO GUI ZHE YI YE.
Les mots, ce qu’ils ont de précieux, c’est le YI.

意有所隨
YI YOU SUO SUI.
Le YI possède ce qui se conforme au mouvement naturel.

ii. Etre conscient du pouvoir fixateur des GUI :
Commentaires de WANG PI : l’axe HUN/YI/PO

WANG PI nous met en garde contre le pouvoir fixateur des GUI dans notre capacité à témoigner de notre expérience par la parole. À partir du ressenti représenté par YI lorsqu’il trouve à se fixer et à s’établir dans le ZHI, il y a un processus d’élaboration :

盡意莫若象,盡象 莫若言。
JIN YI MO RUO XIANG, JIN XIANG MO RUO YAN.
Pour exprimer le YI, il n’y a rien de mieux que l’image (la représentation). Pour exprimer l’image, il n’y a rien de mieux que la parole.

L’idéogramme XIANG représente un éléphant, animal disparu de la Chine, mais dont on trouve les dessins dans les grottes. Cet idéogramme signifie la représentation de quelque chose, l’évocation de son apparence. C’est la manière dont le ressenti prend forme dans la conscience. Cette capacité à imaginer est sous l’égide des HUN.

C’est ce qui est le plus proche du ressenti. L’expérience vécue échappera toujours en partie au témoignage que nous pouvons en faire, mais l’image en est le plus proche, car évocatrice pour les sens, moins fixée dans une forme.

Et la possibilité de rendre compte de l’image est la parole. La parole est prise de forme, sous l’égide des PO.

夫 象 出 意 者 也,言 者 名 象。
FU XIANG CHU YI ZHE YE, YAN ZHE MING XIANG.
Donc l’image émerge du YI, et les mots éclairent cette image.

有 形,夫 形 也,者 物 之 累。
YOU XING, FU XING YE, ZHE WU ZHI LEI
Il y a des formes, et ces formes, c’est ce qui fige les êtres.

夫 名 以 定 形。
FU MING YU DING XING.
Donc les noms, c’est ce qui fixe dans une forme (le mental).

Les mots, les noms, enferment dans une forme l’expérience de la vie. Et si nous ne passons plus par l’écoute sensorielle pour défaire l’enveloppe du mot, sentir l’image qu’il contient, et de là percevoir par intuition le YI qui lui a donné naissance, notre représentation du monde se fige.

忘 言 者 乃 得 象 者 也。
WANG YAN ZHE NAI DE XIANG ZHE YE.
En oubliant les mots, alors on obtient l’image.

忘 象者乃得意者也。
WANG XIANG ZHE NAI DE YI ZHE YE.
Et en oubliant l’image, alors on obtient le YI.

Lorsque le YI reste suspendu dans le corps, les GUI des HUN et des PO s’emparent de l’expérience vécue, et c’est le mental qui est le maître.

SHEN a perdu son amarre : ce n’est pas lui qui est à l’origine de notre pensée.

Il n’y a pas création de la pensée, il y a bataille de mots et de représentations qui tournent en rond sans issue.

iii. Fin du Ling Shu ch 8 :

因 志 而 存 變 謂 之 思。
YIN ZHI ER CUN BIAN WEI ZHI SI.
Lorsque le vouloir peut s’établir et changer, c’est ce qu’on nomme la pensée.

因 思 而 遠 慕 謂 之 慮。
YIN SI ER YUAN MU WEI ZHI LU.
Quand la penser peut se déployer loin, c’est ce qu’on appelle la réflexion.

因 蘆 而 出 物 謂 之 智。
YIN LU ER CHU WU WEI ZHI ZHI.
Quand la réflexion s’occupe des êtres (choses), cela s’appelle la sagesse (intelligence, savoir-faire)

4- Conclusion :

La suite du chapitre 8 du chapitre 8 du LING SHU décrit le ravage des émotions refoulées sur les BEN SHEN.

Nous pouvons bien entendu accompagner nos patients avec nos aiguilles, notre écoute et nos paroles.

Mais l’atteinte par les émotions affecte directement les organes, leur capacité de contenir JING afin que les souffles qui en émergent, gouvernent le corps de façon harmonieuse et cohérente. Il sera donc important que le patient puisse prendre conscience de l’importance d’une pratique corporelle pour la santé.

Notre société poursuit un chemin où le corps est de plus en plus absent de l’expérience relationnelle.

Il est important que nous, praticiens de la médecine chinoise, tirions le signal d’alarme.

Il est utile et nécessaire de faire du « cardio vasculaire » pour garder une bonne santé. Mais ce n’est pas suffisant. Il est nécessaire de développer une pratique corporelle d’écoute sensorielle.

L’enracinement du souffle dans le bassin, la conscience d’un axe vertical vide au centre du corps, permet d’équilibrer la posture.

Lorsque la posture est juste, il devient possible, par une écoute subtile de toutes les sensations corporelles, de lâcher-prise vers la Terre. Le corps déposé, les articulations tranquilles, la conscience du corps s’étend à son environnement : SHEN peut alors organiser les souffles des 5 organes.

Notre pensée devient créatrice : elle émerge de l’instant vécu en pleine conscience, au lieu d’être enfermée dans les schémas répétitifs du passé.

Notre représentation de nous-mêmes et du monde évolue en fonction des expériences de notre vie.

Et les émotions déclenchées par les GUI cessent de se bloquer dans notre corps.

Le LING SHU chapitre 8 se termine ainsi

Et voilà pourquoi les 5 organes, qui ont pour fonction de maîtriser et de garder JING ne doivent subir aucune atteinte.
Car s’ils subissent des atteintes, leur garde ne se maintient plus, le YIN devient vide.
Le vide de YIN, c’est l’absence de souffles (des aspects de SHEN reliés à chacun des organes), et l’absence de souffles, c’est tout simplement la mort. Cela étant, celui qui voudra utiliser les aiguilles, qu’il examine donc attentivement comment se présente le malade pour percevoir le maintien ou la disparition de JING et de SHEN, des HUN et des PO,
Si ces 5 là sont atteints, l’aiguille ne peut pas traiter.

Bibliographie

1- The classic of the way and vertue : Tao Te Ching, of Lao Zi interpreted by Wang Pi, translated by Richard John Lynn.
2- Tao Te Jing, le livre de la Voie et de la Vertu, traduction Claude Larre.
3- Le livre de la Voie et de la Vertu, Dao De Jing, traduit par Henning Strom
4- Lao Tseu, le Dao De Jing, par Rémi Matthieu.
5- Yi Jing, le livre des changements, traduit par Cyrille Javary et Pierre Faure.
>6- Le secret de la maison des ancêtres, de Jean-Marc Eyssalet.
7- Shen ou l’instant créateur, de Jean-Marc Eyssalet,
8- Émergence et immersion du Souffle et du désir, de Jean-Marc Eyssalet,
9- Les mouvements du cœur, de Claude Larre et Élisabeth Rochat de la Vallée.
10- Les caractères chinois, de S.J. Wieger.
11- Le secret de la Fleur d’Or, de Lu Tsou.
12- Le cœur en médecine chinoise, Connaissance de l’acupuncture
13- Les Œuvres de Maître Tchouang, de Jean Lévi.
14- Études sur Tchouang-Tseu, de Jean-François BILLETER.